GOJIRA : L’ENFANT SAUVAGE,
Chronique d’une fin de cycle
Etienne ROSE
C’est en ce début d’été 2012 que le groupe originaire de
Bayonne GOJIRA décide de sortir son cinquième album, mais avant de continuer,
revenons sur un groupe sous médiatisé dans son propre pays (comme l’ensemble de
la scène dont il est issu d’ailleurs).
GOJIRA
est un groupe de death metal ; un sous-genre basé sur un rythme très
rapide, un son très lourd et menaçant, une haute technicité dans l’exécution et
une imagerie généralement morbide et/ou sataniste. Si les landais reprennent
effectivement dans leur musique les codes inhérents au genre (on sent notamment
l’influence de cadors comme MORBID ANGEL ou DEATH par exemple), ils ont aussi
su intégrer d’autres éléments à leurs compositions.
Ainsi
comme les Suédois de MESHUGGAH, ils truffent leurs morceaux de polyrythmies
complexes, assuré par le batteur Mario DUPLANTIER (considéré par ses pairs
comme l’un des meilleurs en activité). A l’instar de groupes comme TOOL ou
NEUROSIS, on sent une prépondérance du songwriting sur la technicité pure,
favorisant l’intégration d’éléments progressifs et atmosphériques. Enfin, le
discours tenu par le groupe diverge totalement des canons du genre, axant leurs
paroles sur une vision philosophique de l’évolution de l’humanité et la défense
de l’environnement. L’ensemble de ces éléments font de la musique de GOJIRA
quelque chose d’unique au sein d’une scène où le clonage de groupes génériques
est malheureusement devenu monnaie courante.
Ce
son ne s’est pas forgé en un jour, et si du temps de « Terra
Incognita » (2001) et « The Link » (2003) le groupe restait
relativement « classique » dans sa musique ; l’album « From
Mars To Sirius » sorti en 2005 a su amener un esprit onirique et planant
dans un genre d’habitude plutôt chaotique et brutal.
A
l’opposé, l’album suivant « The Way Of All Flesh » sorti en 2008
privilégiait plus l’expérimentation technique au détriment de la cohésion
d’ensemble, rendant le tout inégal . Après, c’est par cet LP que le groupe
accède à la notoriété internationale, la production plus léchée y ayant
contribué. Mais qu’en est-il en 2012 ?
La
réponse tient en un juste milieu : si GOJIRA semble perdurer dans la
direction de l’album précédent quant à la production, on retrouve également un
effort de songwriting et de cohérence qui avait fait défaut à « The Way Of
All Flesh ». Ainsi, aucun titre ne semble être là par hasard ; et à
l’instar de « From Mars To Sirius », l’ajout de mélodies mettant en
avant une atmosphère mélancolique (à contrario de « FMTS » qui lui
prônait l’onirisme) renforce la cohésion de l’ensemble, rendant
« L’Enfant Sauvage » assez unique. Aucun des titres présents sur
cet album ne pourrait se retrouver ailleurs.
Attention
toutefois : cela reste un album de metal extrême, avec tout ce que cela
implique en matière de tempos supersoniques et de dissonances saturées
(« Planned Obsolescence », ou comment faire passer une batterie pour
une foreuse industrielle).
Mais
il se dégage de l’écoute une étonnante sensation de calme de prime abord assez
antinomique avec la fureur de la musique joué ; comme ces couplets
accrocheurs de la chanson « L’Enfant Sauvage », le refrain de
« Mouth Of Kala » ou encore cet arpège entêtant accompagnant
« The Gift Of Guilt ».
Enfin,
l’album est parsemé de plans sortant totalement du cadre du death metal ;
comme cet outro évoquant Ennio Morricone sur « Explosia » ou encore
ce « The Fall » doomesque à souhait. Evidement, certains passages
semblent avoir été déjà entendu ailleurs sur la discographie du groupe (le pinkfloydien
« Born In Winter », qui ne dépareillerais pas sur « From Mars To
Sirius ») ; mais n’est-ce pas le signe que le groupe a réussi à forgé
son propre son ? En soit, c’est la preuve que les landais n’ont plus rien
à prouver.
Fini
les balbutiements des débuts. Fini la complexité envahissante de « The Way
Of All Flesh ». GOJIRA sort en 2012 l’album le plus naturel qui soit. En
ce sens, on peut parler d’une fin de cycle ; car avec « L’Enfant
Sauvage », la bande des frères Duplantier assume son style et son statut
en tant que groupe. C’est en effet un groupe qui sait quel est son identité et
qui aborde ses compositions sans prises de têtes superflues. La marque des
grands groupes en somme.
Line-up :
Joe Duplantier : chant, guitare
Christian
Andreu : guitare
Jean-Michel
Abadie : basse
Mario Duplantier : batterie
Tracklist :
01 : Explosia
02 : L’Enfant Sauvage
03 : The Axe
04 : Liquid Fire
05 : The Wild Healer
06 : Planned Obsolescence
07 : Mouth Of Kala
08 : The Gift Of Guilt
09 : Pain Is A Master
10 : Born In Winter
11 :
The Fall
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