Pages

jeudi 26 avril 2012


Billet d'humeur

A quel jeu joue Nicolas Sarkozy ?

Karl Masse

Le Président sortant veut transformer la France en champ de bataille, et n’est plus porteur aujourd’hui d’aucun projet politique, mais seulement de l’envie de gagner, coûte que coûte. Derrière ses discours de rassemblement national, il a fait de cette élection une affaire personnelle.

Quel changement ! A écouter ou relire les déclarations de Nicolas Sarkozy en 2007, lors de la précédente campagne présidentielle, on pourrait imaginer que ce n’est pas le même homme qui s’exprime aujourd’hui ! Lui si aimable avec Ségolène Royal entre les deux tours, empli de respect pour elle, lui demandant de rester calme pendant le débat, lui si proche des jeunes de banlieue, parce que lui aussi immigré, « sang mêlé » comme il le déclarait. Lui le candidat des pauvres et des ouvriers !

Que dit-il aujourd’hui ? Qu’il va exploser son adversaire, que le Front National est compatible avec la République, qu’il y a des vrais travailleurs et les autres, que les immigrés n’ont plus droit de cité chez nous ! Cherchez le programme, cherchez les valeurs républicaines dans ce galimatias et derrière cette brutalité.

L’élection présidentielle mérite mieux que ces invectives de cour de récréation, à savoir qui est le plus fort, qui pisse plus loin que l’autre ! Comme si la force était le gage d’une capacité à gouverner,  et en oubliant que la force génère très souvent de la violence. Rappelons-nous Gandhi et Nelson Mandela, qui ont choisi une autre voie pour libérer leur pays. Pissaient-ils plus loin que tous ces militaires armés qui rêvaient de leur faire la peau ? D’ailleurs, se sont-ils un jour poser cette question ?


Nicolas Sarkozy n’a à priori rien à proposer, sauf un rapport de force à son adversaire, qu’il veut multiplier par deux, puis par trois débats, comme si les français avaient encore besoin de leçons sur les forces et faiblesses des programmes des uns et des autres, n’étaient pas capable de tirer des enseignements du quinquennat qui s’achève, comme s’ils avaient voté sans savoir ! Pour qui les prend-il, ces français dont il veut encore être le représentant ? N’a-t-il pas entendu la sanction sans appel, premier candidat sortant de la 5è république à ne pas être en tête au premier tour ? Est-il crédible en rassembleur ? Essaie-t-il de les unir derrière lui, ou cherche-t-il seulement des électeurs, ceux  du Front National plus particulièrement, en jouant sur la peur, en activant la haine de l’autre, et sûrement pas la solidarité. Les observateurs étrangers sont choqués par la posture de celui qu’il surnomme déjà Nicolas Le Pen. Ils ont honte pour nous.  A quoi ressemblerait  la France qui élirait un tel Président ?  

Derrière l’invitation à ces combats de coqs, qu’y a-t-il ? Le bilan de Nicolas Sarkozy : ses cadeaux aux riches, avec lesquels  il a fêté son élection, en oubliant tous ceux auxquels il avait promis un avenir radieux, l’augmentation du chômage, les coups de pied dans le pacte social français, construit de haute lutte après la 2è guerre mondiale, la précarisation de l’industrie  et du secteur social, l’ultralibéralisme financier. D’aucuns opposeront à cette liste non exhaustive la « crise », qui a touché tous les pays. Soit, il ne sert à rien de le nier, mais il ne faut pas oublier non plus que des instituts d’analyse très bien informés ont noté que la dette française, sans les excès du président, serait inférieure de 30 % à ce qu’elle est aujourd’hui. Donc notre président, en plus d’avoir été injuste et d’avoir divisé les français, a mal géré la France ! Que promet-il aujourd’hui ? Avant le premier tour, on eut parfois l’impression qu’il empruntait à Olivier Besancenot, fustigeant la finance, qui allait voir ce qu’elle allait voir, avec ses petits bras musclés. Aujourd’hui, c’est à Marine Le Pen qu’il veut voler des électeurs. Comprenne qui pourra !

La droite suit son champion comme elle peut, dans ses dérapages plus ou moins contrôlés, mais des voix divergentes commencent à se faire entendre. Elles seront tenus pour responsables en cas de défaite, et clouer au pilori, à moins que tous ceux qui font encore semblant d’y croire et d’adhérer à cette droitisation en règle ne prennent leur défense.  En tout cas, la bagarre actuelle continuera après le 6 mai, et des têtes tomberont si les suffrages ne sont pas au rendez-vous. La violence ne disparaîtra pas comme cela, mais elle changera de cibles. Il ne fera pas bon être à l’UMP à ce moment-là ! Surtout que, tapie dans l’ombre, c’est une autre droite qui essaiera de profiter du terreau planté par le Président encore en place. Il faudra rester vigilant.

Aujourd’hui, un système est en train de se déliter, de montrer ses limites, celui du capitalisme financier débridé et ultralibéral. Aux deux options proposées aux français, celle d’un fatalisme devant une force apparemment indestructible, dont on doit accepter le joug, parce que rien ne peut changer, et celle d’un combat à mener, qui sera très dur, contre les forces de l’argent, avec tous les risques que cela comporte, je crois ne pas avoir besoin de vous préciser mon choix.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire